Page:Leo - Les Deux Filles de monsieur Plichon.djvu/31

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui ont le cœur plein, ou qui cherchent leur objet dans le monde de l’esprit. Moi je n’ai rien à poursuivre, je ne cherche rien, je m’ennuie.

Il y a ici, comme à Royan, une plage admirable ; le ciel est toujours bleu, la mer toujours unie. Toujours çà et là des voiles blanches à l’horizon. Toujours le clapotement de la mer sous ma fenêtre. C’est toujours beau ; mais monotone comme le paradis, dont je n’ai jamais désiré l’immobile béatitude, même lorsqu’enfant j’y croyais encore : il est vrai qu’on s’ennuie presque autant sur cette terre. Où donc aller ?

Je voudrais souffrir franchement ; cela me ferait du bien. Mais je m’ennuie ; c’est mortel. Vous me conseillez de l’énergie ; mais je ne puis venir à bout de trouver pourquoi je prendrais la peine d’en avoir. Non ; j’ai cherché, je t’assure ; mais ne sachant, ni pourquoi nous sommes ici, ni ce que nous y faisons… Ne va pas faire le rhéteur, tu ne le sais pas plus que moi. Tu n’éprouves pas le besoin de le savoir, voilà tout, et c’est à merveille, puisque vivre te suffit. Pour moi, la vie humaine à toutes les époques, et partout, me présente la répétition des mêmes crimes, des mêmes folies, des mêmes mensonges, une éternelle compétition d’égoïsmes, enfin. À quoi cela est-il bon ?

J’ai vécu pendant quelques années dans le monde des puissants ; nous avons sondé la bohème ensemble. C’était partout la même chose, partout les mêmes passions, ou plutôt les mêmes avidités, ici repoussantes de cynisme, là dégoûtantes d’hypocrisie. Ce que j’ai rencontré de noble et de bon souffrait. Ici et là, mêmes types, mêmes