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il a pour ennemis tous ces paysans, gros propriétaires, qui, lui étant à peu près égaux en richesse, jalousent son titre et ses manières de monsieur, et lui en veulent de sa morgue vis-à-vis d’eux.

De toutes les mauvaises passions soulevées dans cette affaire, la plus excusable à coup sûr est celle qui fit accourir dimanche soir, au Fougeré, cette bande affamée, composée d’une vingtaine d’hommes, d’une douzaine de femmes et de quelques enfants furieux et hagards, formant l’arrière-garde. Comme à l’ordinaire, la famille était allée le matin à Sanxenay, et moi, me trouvant seul dans la maison (plus que seul, car elle était à quelques pas de moi dans sa chambre et je ne pouvais la voir), je sortis. J’errais dans la lande quand Leyrot m’aborda.

Je t’ai parlé de Leyrot, le père de Mignonne, qui fit contre moi cette malheureuse tentative dans les bois, il y a un mois environ. Je ne l’avais rencontré qu’une fois depuis ; il m’avait salué en baissant les yeux, et, comme je lui offris de l’argent, il me refusa, disant qu’il avait quelque chose encore. Cet homme, déjà, m’inspirait de l’estime et de l’intérêt. Ce qu’on m’apprit de lui m’en inspira davantage. Il a été riche autrefois et le serait encore, s’il s’était borné à faire comme les autres ; mais il conçut des plans d’amélioration agricole et voulut les réaliser. L’instruction lui manquant, il fit fausse route et ne réussit qu’à manger son patrimoine. Le paysan, ami de la routine, lui eût à peine pardonné son succès ; on récompensa naturellement du dernier mépris ses malheureuses tentatives. Rejeté de ses anciens pairs et tombé au rang des pauvres, Leyrot ne trouva parmi