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guai dans le jardin un instant après, et je courus la rejoindre.

Elle n’avait ni châle ni coiffure. Je ne sais si elle tremblait de froid ou d’émotion ; elle me dit :

— Qu’y a-t-il, William ?

— On me somme d’épouser votre sœur, lui dis-je, et vous savez que ce n’est pas elle que j’aime. Est-il permis de traiter le mariage comme un engagement ordinaire ? doit on jurer un mensonge ? tenir sa parole aux dépens de la vérité ?

— Vous n’êtes pas seul dans cette question, me répondit-elle d’une voix brisée. Si vous n’aimez plus, on vous aime encore. Par crainte d’être malheureux, vous ne devez pas briser le bonheur d’une autre.

— Et vous aussi, Édith, vous ne la connaissez point. Son âme est sans force ; elle n’est point de celles qui savent aimer. Un autre la rendrait plus heureuse que moi.

— Ne craignez-vous pas de vous abuser, William, parce que vous avez intérêt à le faire ? elle n’est point à votre hauteur, mais, dans sa mesure, elle aime et elle souffre aussi. Il me semble, William, que le respect des engagements, le souvenir de l’amour que vous avez eu pour elle, la recherche du bien et de la justice, en voilà assez pour remplir la vie d’un honnête homme et lui donner même quelques bonheurs. Je ne vous en dirai pas davantage. Votre conscience seule doit vous décider ; mais si vous rompez avec ma sœur, moi aussi j’en serai malheureuse, car, je vous le jure, nous ne nous verrons plus ; tandis que j’avais espéré pouvoir toute ma vie vous traiter en frère.