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— Assez, Monsieur, lui dis-je, voilà deux fois que vous m’insultez. L’affaire qui nous occupe n’est pas de celles qui se traitent comme un marché. Il y a des convenances premières et plus hautes que celles que vous invoquez. Mais, puisque vous parlez purement et simplement de parole donnée, je vous rappellerai les termes de notre engagement : je voulais, pour garantir mon indépendance, avoir une fonction avant de me marier.

— Fort bien. Monsieur ; et si vous n’en avez pas, ou que vous ne jugiez pas convenable d’en accepter ?

— Ce point est délicat, en effet. Monsieur ; j’y réfléchirai et vous aurez ma réponse ce soir.

Je le quittai, sans vouloir l’écouter davantage, et je courus dehors, où le froid me calma les nerfs, et où je restai longtemps, épiant vainement la sortie d’Édith. Elle ne descendit que pour le dîner, morne réunion où chacun s’observa sans pouvoir causer. M. Forgeot seul mangeait et parlait d’égal appétit. À l’exception de Clotilde, on commence au Fougeré à être fort las de cet hôte ; mais il semble n’y rien comprendre, se passe fort bien des instances qu’on ne lui fait pas, et vit à l’aise comme chez lui.

Mon regard demandait à Édith un entretien ; je la vis inquiète. Elle causait, cependant, avec cette grâce toute nouvelle qui maintenant s’épanche à flots de tout son être ; Je l’adorais avec désespoir. Aussitôt que maman se fut levée, j’allai à la fenêtre et, frappant sur la vitre la mesure d’un récitatif, j’y adaptai en anglais, qu’on prit, sans doute, pour de l’italien, ces paroles : i must speak to you this night. Il faut que je vous parle ce soir. Je la distin-