Page:Leo - Les Deux Filles de monsieur Plichon.djvu/303

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que j’occuperais pouvait se faire attendre une année encore. Il n’y avait pas de raison pour que ça finît, et, dans le cours d’une année, on ne peut savoir combien d’eau passe sous le pont, non plus que d’idées dans la tête d’un homme. Il soupçonnait enfin que j’en viendrais à ne plus aimer sa fille, et c’était pour cela précisément, le malheureux, qu’il voulait au plus tôt nous marier. Il me parla avec emphase de sa fortune future ; elle lui permettait, dit-il, d’être généreux ; une fois marié, j’aurais des idées plus sages et prendrais à cœur de faire mon chemin. Il termina en me proposant de me marier dans la quinzaine. J’étais atterré.

— Monsieur, lui dis-je, vous me permettrez quelques réflexions.

— Des réflexions, Monsieur ! s’écria-t-il en devenant écarlate ; un honnête homme pour tenir sa parole n’en a pas besoin.

— Nous traitons la question de temps, Monsieur, et pas d’autre, répliquai-je sèchement.

— Le temps, Monsieur ! le temps est quelquefois tout ; depuis cinq mois que vous êtes ici, on s’étonne partout que le mariage ne se fasse pas. Il commence à circuler des bruits injurieux pour ma famille et…

— Je ne suis venu chez vous, Monsieur, que sur votre invitation et celle de Mme Plichon ; je n’y suis resté que sur vos instances.

— Eh ! je le sais bien ! j’ai cédé à leur volonté… on ne devrait jamais céder aux idées des femmes. Mais elles vous tourmentent, et l’on veut avoir la paix. Je sais que j’ai eu tort ; la confiance est toujours funeste…