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ment ce qu’il vous plaira. Tout m’est égal sur ce point. Je n’irai pas à Paris. Je ne pourrais m’occuper de futilités en ce moment et je veux passer ici les derniers jours qui me restent. Qui me restent, veux-je dire, avant ce mariage.

De moi-même, je l’avoue, je ne pouvais m’y décider. J’attendais, il me semblait que la vérité se ferait d’elle-même, que quelque événement allait venir, qui romprait ma chaîne. Blanche, irritée de ma froideur, était agressive, taquine, pleine d’aigreur ; nous faisions déjà fort mauvais ménage. Ses parents soucieux m’observaient ; Édith m’évitait. Je voulus rompre avec cette situation, de plus en plus insoutenable, et, coupant court aux instances de maman et de Clotilde, qui ne comprennent rien à mes tourments, prétextant des affaires, j’annonçai, du ton le plus péremptoire, mon départ pour le lendemain. Cela leur fit l’effet d’un coup de foudre au milieu d’un orage, et M. Plichon, me demandant solennellement un entretien, m’emmena dans la bibliothèque :

Vous voulez partir, monsieur William ?

— Oui, Monsieur, mes affaires m’appellent à Paris.

— Quand reviendrez-vous ? me demanda-t-il en fixant sur moi ses yeux bleus, plus sagaces et plus pénétrants qu’à l’ordinaire.

J’hésitais à répondre.

— Vous ne savez pas ?

— Il m’est bien difficile, Monsieur, de fixer le jour.

— Écoutez, M. William, il y a cinq mois que vous honorez ma fille de vos assiduités. Ce n’est pas l’usage, vous le savez. Dans le monde, on n’admet un jeune homme chez soi que lorsque toutes les conditions sont connues