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de soleil l’avait rendu fou ; mais j’ai reçu l’explication de ses paroles :

« Quand la moisson est rare, il faut peu de travailleurs pour la recueillir. Partout, le salaire est faible, car ils s’offrent tous à l’envi. Donc, peu de frais de récolte, et le blé se vend très-cher.

« Quand la moisson est abondante, les journaliers, demandés de tous côtés, mettent leurs services à haut prix. Il en faut un grand nombre, chèrement payés. Pour pouvoir acquitter ces salaires, il faut vendre en hâte. Le blé, de toutes parts offert, tombe à un taux qui n’atteint pas les frais de culture.

« Le journalier, du moins, l’homme qui n’a pour capital que sa propre force, retire-t-il un grand profit de cette abondance ? En apparence, oui, d’abord ; mais en réalité, non ; car la gêne ou la ruine de celui qui commande le travail met son salaire en péril, et produit ensuite de longs chômages. Si peu que vaille le blé, il ne peut l’acheter que par petites portions, ne recevant que par faibles à-comptes. Bientôt, grâce à de savants retards, à d’habiles manœuvres, le grain entré dans le commerce hausse, et la spéculation, qui l’a reçu à vil prix des mains du travailleur, le lui rapporte à un taux plus convenable.

« Concluons : une abondante moisson ruine le fermier ; une récolte rare l’enrichit.

« — C’est comme cela, m’ont-ils dit d’un air profond. Le bien des uns fait le mal des autres. C’est comme cela.

« Ils trouvent la chose ingénieuse.