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de choix, rêve idéal, ivresse, flamme, c’est l’impossible… du moins…, qui sait si l’amour, cette plante divine, ne doit pas être des années à s’implanter pour avoir des siècles à fleurir ! — Je voulais te dire une chose que j’ai eue sur les lèvres quelquefois et que je n’ai jamais osé te dire. Il m’est venu souvent à l’idée que nous étions frères. Tu sais combien mon père t’aimait, quels soins il a eus de ton éducation, avec quel plaisir il voyait notre camaraderie. Il m’a souvent recommandé de t’aider en toute occasion. — Et ma foi, me voilà bien à même à présent de remplir cette tâche ! Tiens, c’est là où je sens mon tort. — M. Valencin, tu le sais, ne rendait point heureuse ta pauvre mère. Il avait un caractère haïssable, et tu ne lui ressembles pas. Mon père au contraire était si beau, si bon, si séduisant, pas trop sévère non plus sur le chapitre. Tu en penseras ce que tu voudras ; pour moi c’est une conviction secrète. En tout cas, la cause nous importe peu ; c’est de l’effet qu’il s’agit ; que nos parents s’en soient ou non mêlés, nous sommes frères.

Mais à présent, il faut que je te rudoie, c’est plus fort que moi, pour ton entêtement à vouloir me pousser dans des voies contre ma nature. Quoi ! tu n’as pas encore compris que nous ne sommes pas le même ! Tu as l’obstination stupide d’un grand parent. Ces incitations maladroites me font toujours l’effet de coups de coude en plein visage ; et je te les rendrais de bon cœur. Imaginer que j’irais sur tes brisées, d’abord, ça ne se comprend pas. Ensuite, tu me fais l’amitié de croire que je puis me donner pour des millions. Merci ! Ai-je donc la conscience de ces hommes et femmes honnêtes qui trafiquent du ma-