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— Non ! William, dit-elle.

— Édith ! Édith ! ce n’est pas assez. Vous avez bien raison ; il faut aimer, et tout obstacle doit s’effacer devant ce qu’il y a de plus grand et de plus sacré, l’amour véritable. Quand il tombe du ciel sur deux têtes humaines, c’est la grâce même, Édith, c’est l’ordre de Dieu !

Elle m’écarta de la main, fit quelques pas et resta un moment immobile, en appuyant la main sur sa poitrine comme si elle souffrait :

— William, me dit-elle ensuite d’une voix altérée, mais en s’efforçant de sourire, nous sommes de grands enfants ; nous nous laissons emporter par ce qui souffle en nous à cette heure ; mais ce qu’il faut écouter, c’est la voix de l’être immuable et indépendant qui juge en nous nos propres actes. Une exaltation, quelque divine qu’elle soit dans sa source, n’est pas, ne doit pas être notre seule loi.

— Puisqu’elle divine, m’écriai-je, nous ne pouvons mieux faire que de la suivre et de l’adorer.

— Non, reprit-elle en s’arrêtant, non, ce n’est pas tout.

Je me taisais, tremblant, mais prêt à lui tout dire, quand, relevant son front pâle qui semblait recouvrir une résolution immuable :

— Il y a le présent aussi bien que l’avenir, William ; et Dieu, comme autrefois, ne doit pas faire oublier les hommes. Il n’y a pas seulement l’idéal, il y a la vie, la vie humaine, réseau de joies, de douleurs et d’intérêts où nous sommes mêlés tous ensemble comme les fils d’une trame, et notre premier pas vers le bien ne peut consister à écraser le bonheur d’autrui en courant au nôtre. Non, mon ami, rien ne peut nous délier de nos