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Je voulus alors faire les passes qui arrachent à ce sommeil ; mais il me pria d’une voix suppliante de le laisser et d’aller où il m’avait dit.

Surtout, répéta-t-il, ne partez pas.

J’obéis, curieux de voir ce que signifiait sa prophétie. Il était seul quand j’étais entré ; je le laissai seul, et suivis le chemin qu’il m’avait indiqué.

Cinq minutes après la neuvième cépée, j’arrivais sous un chêne, au bord d’une allée, où je vis Édith, enveloppée dans un châle, et qui pleurait, le front appuyé contre l’arbre.

Je jetai un cri de joie. C’était bien elle, mon trésor ! Surprise, elle laissa échapper un autre cri et voulut me cacher son trouble ; mais je saisis ses mains et l’attirai dans mes bras.

— Édith ! oh ! ma chère Édith, pourquoi pleurez-vous ?

Elle me repoussa doucement, et se remit à sa place, appuyée contre le chêne :

— Le sais-je moi-même, William ? je repassais toute ma vie en moi et m’accusais de beaucoup d’erreurs. J’ai été froide et dure pour les autres ; je le vois maintenant, et cela me fait mal. Je ne savais pas… il me semblait que j’avais raison de mépriser ceux qui ne pensaient pas comme moi. Je rejetais la vie, ne la trouvant pas suffisamment belle, j’attristais ma famille ; j’ai secouru les pauvres sans les obliger. Depuis hier, je sens cela, et tout à l’heure j’en avais le cœur déchiré. Mais je veux être bonne pour les autres, maintenant, William. Je veux aimer de toute mon âme et de toutes mes forces, dussé-je en souffrir… même jusqu’à la mort.