Page:Leo - Les Deux Filles de monsieur Plichon.djvu/257

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le contraire fût possible. Mais, depuis, on avait soupçonné la vérité, et l’on ne pouvait comprendre un comte sans laquais et sans équipage.

Maman finit par excuser Blanche en me montrant sa situation fausse vis-à-vis de tous dans l’attente où nous étions, et tâcha de me faire comprendre les petites blessures d’amour-propre qu’elle pourrait éprouver vis-à-vis de Mlle Martin, quand celle-ci ne manquerait pas d’étaler aux yeux de son amie le luxe dont elle allait jouir.

— Blanche n’a donc pas grand tort, conclut-elle, de vouloir reculer sa confidence. Elle ne veut pas entrer en lice pour être vaincue ; n’est-ce pas naturel ?

— Chère maman, dis-je en lui baisant la main, avez-vous jamais aimé ?

Elle baissa les yeux en rougissant avec un peu de tristesse :

— Que me demandez-vous là, mon cher enfant ? Certainement j’ai aimé. Il y a tant de manières d’aimer.

— Non, maman, il n’y en a qu’une. Vous ne l’avez point connue, mais vous l’avez pressentie. Elle consiste dans un enthousiasme si plein d’orgueil que tous les autres êtres semblent petits et indifférents, en comparaison de celui qu’on aime, et dans un bonheur si grand, que tout sacrifice n’est qu’une joie de plus.

— Ah ! vous êtes trop ambitieux, mon cher William, dit maman en soupirant.