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plus de bonheur que je n’en ai eu moi-même. Édith ne sera jamais heureuse ; elle me trouve trop faible, et n’a pas confiance en moi. Blanche… j’espérais, mon ami, que celle-ci aurait une meilleure destinée, puisque vous l’aimiez ; mais je vous vois déjà désunis ; je reconnais qu’elle n’est pas à votre hauteur, qu’elle est trop vaine, trop légère. C’est ma faute aussi. J’aurais dû résister à son père qui, désolé de la raideur et de la fierté d’Édith, a voulu gâter celle-ci d’une autre manière. Quand je grondais Blanche de ce qu’elle n’étudiait pas, il la consolait, jetait le livre en l’air et la prenait sur ses genoux pour la faire babiller, l’admirant et riant de tout ce qu’elle disait. Il n’y a de femmes aimables que celles qui ne savent rien, répétait-il. Blanche, la pauvre enfant, trouvait cela bien facile ; mais elle était douce et bonne, on en eût fait ce qu’on eût voulu. Avec beaucoup de patience et d’affection, vous la réformeriez, William, j’en suis sûre.

— Et moi, je ne le sais pas, lui dis-je.

Nous causâmes longtemps à ce propos, et j’appris des détails, de ces misères qui influencent fortement un esprit vain et sans consistance. Notre mariage avait déjà fort occupé les gens du pays, et chacun en glosait à sa manière. On avait d’abord supposé que j’étais fort riche, et l’on avait fait compliment à Blanche de cet avantage, de manière à lui ôter l’envie, ou plutôt le courage de le démentir, vis-à-vis de gens qui ne pouvaient guère comprendre et goûter que celui-là. Mignonne, cette fille rejetée pour sa pauvreté, n’avait pas été la dernière à dire : il est riche assurément, d’un ton qui n’admettait pas que