Page:Leo - Les Deux Filles de monsieur Plichon.djvu/255

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

J’étais blessé, je l’avoue ; mes pensées étaient amères, et je restai longtemps silencieux.

— Comme vous êtes songeur, William, me dit maman en posant sur ses genoux le linge qu’elle raccommodait et en me regardant avec pénétration.

— Je songe, chère maman, à cette vocation des femmes dont je parlais tout à l’heure pour les fonctions sociales bien rétribuées et en honneur ; et je crains que Blanche n’ait manqué la sienne.

— Vous êtes mécontent, je le vois bien, me répondit-elle ; je reconnais qu’il y a de grandes différences entre Blanche et vous ; mais songez aussi qu’elle n’a que dix-huit ans. Les hommes sont ainsi : ils veulent épouser des femmes très-jeunes, et puis ils se plaignent de ne trouver en elles que des enfants. Vous avez neuf ans de plus que Blanche ; c’est énorme cela. Peut-être à vingt-sept ans, devenue mère, prisera-t-elle aussi peu que vous le monde et les plaisirs, que naturellement elle veut connaître avant de les dédaigner.

L’observation était juste en elle-même ; mais je n’espère pas un semblable changement de la part de Blanche, et, ne voulant point communiquer à sa mère mon avis à cet égard, je gardai le silence.

— Moi aussi, reprit maman, je me suis mariée trop jeune et sans aucune idée des devoirs que j’avais à remplir. Je m’aperçois seulement à présent des fautes que j’ai faites ; mais elles sont irréparables. J’ai élevé sur mon sein et dans mes bras un fils qui ne respecte pas l’amour, qui se fait, comme les autres hommes, un honneur de séduire une femme, et qui ne donnera pas à la sienne