Page:Leo - Les Deux Filles de monsieur Plichon.djvu/249

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Pendant cette catéchisation, si bien en rapport avec ma foi, quoique supérieure à elle, mon cœur battait avec violence.

— Ainsi, dis-je, le bonheur se confondrait avec le devoir ? Mais vous n’êtes pas heureuse, chère Édith ?

— Non, parce que ma liberté d’action est entravée ; j’ai cependant quelques joies à moi. Mais, libre et dans ma sphère, je ne demanderais point de ne pas lutter encore. Ce n’est pas le bonheur qui est notre but, William ; il nous est seulement donné par surcroît ; car une divine bonté se trouve au fond des lois de la vie.

— Ainsi, vous aimez la vie, Édith ?

— Oui, mais sans enthousiasme, je l’avoue ; car je souffre beaucoup parfois. Mais je suis heureuse de penser ; je crois qu’on peut être très-heureux d’aimer, et je veux faire ma tâche en ce monde. Du reste, je n’ai pas toujours été aussi sage. Plus d’une fois j’ai maudit la vie et me suis livrée à de grandes irritations. Il n’y a pas longtemps que je pense avec plus de calme.

Elle allait enfin me parler d’elle ; mais nous étions sur le seuil de la maison. Comme elle me prend et m’agite l’âme, cette belle Statue d’autrefois ! Ce n’est que de l’amitié qu’elle m’inspire, mais une amitié des plus enthousiastes, et je voudrais sans cesse m’entretenir avec elle. Avec Édith pour sœur, je puis épouser Blanche — mais l’être s’accommode-t-il d’être scindé ainsi ? Elle a beau dire : la vie quelquefois est amère, louche et douteuse. Lutter, je le voudrais ; mais contre qui ? Contre moi ? Je n’ai pas tort, il me semble. Contre Blanche ? mais un pas de plus ce serait rompre, et maintenant il me semble que