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Si votre ami veut faire de la philosophie, qu’il édite lui-même, il aura le plaisir de se lire imprimé. Mais s’il veut faire des romans et être lu par les autres, il faut qu’il s’occupe seulement de l’imagination de son lecteur, et qu’il l’étourdisse par une suite haletante d’événements grimpés les uns sur les autres, ou enchevêtrés le plus possible. Il n’y a pas à craindre d’aller trop loin en ce genre ; le public blasé demandant toujours du nouveau, on peut lui servir de l’impossible sans qu’il se fâche. Vous dites que votre ami a de l’imagination ; ça se voit d’ailleurs, quoiqu’il la fourvoie ; eh bien ! qu’il se grise, puis, qu’il laisse courir sa plume, il réussira. Quant à des œuvres de morale et de sentiment, on n’en peut rien faire, mon cher, rien du tout. »

J’ai répondu ce que tu aurais répondu à ma place ; je lui ai reproché de servir platement le mauvais goût du public au lieu de chercher à l’élever.

— Ah ça, m’a-t-il dit, vous êtes charmant. Me prenez-vous pour l’Académie ? Je suis marchand, mon cher, et je spécule sur les livres, voilà tout. S’il vous faut un jury littéraire, voyez ailleurs.

Mais ailleurs, malheureusement il n’y a rien. Cependant je ne me tiens pas pour battu et je suis allé tout de ce pas chez un autre éditeur, Saurin, qui est homme de goût, dit-on, et moins spéculateur que Harle. Il m’a reçu parfaitement et m’a promis une prompte réponse. Je ne lui laisserai pas oublier cette promesse.

Le secrétaire du duc, Étienne, t’a déjà rappelé au souvenir de ton illustre parent. « Oui, certainement, a dit le