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fait la gaieté d’Édith ; elle est si rare, si intime, si bien pour celui-là seul à qui elle la donne, que j’en suis attendri et reconnaissant. La terre était couverte de ténèbres, mais le ciel admirable de beauté.

— Chère sœur, lui dis-je, c’est un peu l’image de notre vie à vous et à moi : le corps dans une ombre qui ne nous plaît guère ; mais les yeux attachés sur les splendeurs de l’infini.

Je me rappelle qu’en parlant ainsi je l’avais entourée de mon bras et que nous regardions le ciel, appuyés l’un contre l’autre. Cela me revient comme un souvenir ; mais dans le moment je n’y pensai pas et, j’en suis sûr, Édith pas davantage. Elle a tant de sérieux et d’élévation, qu’on ne saurait avoir vis-à-vis d’elle les pensées qu’inspirent naturellement les autres femmes, si pénétrées de leur sexe qu’on ne peut l’oublier. Ce qu’on sent avant tout dans Édith, c’est un être sincère et intelligent ; on habite avec elle un monde supérieur à toutes ces misères et ces faussetés qui nous rabaissent malgré nous ; on pense aussi librement qu’avec soi-même ; mais avec un charme bien plus grand. Elle n’a maintenant aucune rudesse vis-à-vis de moi, mais encore un peu de sauvagerie, et garde sur elle-même et ses sentiments un silence complet, ne m’accordant que sa pensée. Elle m’a dit cependant :

— Vous êtes donc maladroit ? William.

— Hélas ! oui, ai-je répondu en souriant.

Ses grands yeux se sont attachés sur les miens affectueusement et elle m’a serré la main.

Tu ne m’écris pas.