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un fou rire me prend. On déjeuna hier en hâte, et plus tôt que d’habitude. L’évêque arrivait à dix heures au presbytère, où il déjeunait ; la cérémonie commençait à midi précis ; c’était vers trois ou quatre heures que monseigneur devait faire son entrée au Fougeré, et l’on servait à cinq heures le fameux dîner qui se préparait depuis huit jours. M. Plichon, montre en main, tourmentait sa femme et tout le monde ; son anxiété, son empressement étaient si grands qu’il ne songeait plus à les cacher. Il y avait surtout un turbot, demandé à la Rochelle, et que Jean était allé chercher à la poste la plus proche, qui n’arrivant pas, lui causait la plus affreuse inquiétude. Il allait sans cesse à la fenêtre, puis revenait en haussant les épaules et en répétant :

— Sans turbot, il n’y a plus de dîner, tout est manqué ! Si ces misérables ont oublié !… j’avais écrit pourtant, qu’il s’agissait d’une occasion solennelle. Penh ! les coquins, les imbéciles se moquent bien de ça, qu’est-ce que ça leur fait ? Ça arrive le lendemain, mais c’est payé tout de même. Ah ! les infâmes bandits ! les misérables drôles !

Il rencontra mon regard et se remit un peu :

— Sacrédié, William, cet évêque me donne bien du souci et je l’enverrais de bon cœur au diable ! ce n’est pas pour lui que je m’inquiète, au moins, c’est pour le monde.

Édith parut au déjeuner, dans sa toilette ordinaire, et M. Plichon la gronda d’être en retard.

— Il n’est point onze heures, dit-elle en tirant sa montre ; on a avancé le déjeuner.

— Fort bien ; mais il faudra pourtant aujourd’hui sortir