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de la vie des pauvres, et la statistique, cette année, pourrait évaluer combien revient en moyenne d’assassinats à chaque spéculateur.

M. Plichon a eu le tort de prendre il y a quelques mois du blé en paiement et de ne l’avoir pas encore vendu. Sa femme le presse de s’en défaire ou plutôt de le distribuer à crédit dans le pays, mais il s’écrie qu’il ne sait pour qui on le prend, qu’il ne peut nourrir à la fois le pays et sa famille, qu’il ne serait jamais payé, etc. Que diable veut-on ? Il s’est gêné pour quintupler ses revenus et voilà que les misérables frappent à sa porte sous prétexte qu’il faut vivre. Il n’y peut rien.

Je n’aimerai jamais cet homme qui doit, selon toute apparence, être mon beau-père. Je l’excuse cependant un peu en me disant : Ils sont tous ainsi ; ils sont nés dans la religion du capital, comme les Hébreux dans celle de l’arche sainte. Et moi qui ne donne que mes cinq sous ! Il est vrai que je les donne bien des fois par jour. Envoie-moi mille francs. Dieux ! Que je voudrais quelque chose à faire, un travail fécond. Mais lequel ? — Je regarde toujours cette lande de ma fenêtre. Il y a là cent hectares incultes, et le pays meurt de faim. Mais ce n’est pas une utilité qu’on me demande ; c’est de la rente, et Blanche ne veut pas vivre à la campagne. Tiens, c’est fini, nia vie est manquée maintenant ; elle ne sera jamais sérieuse et je la passerai tout entière à regretter et à maudire les vanités où elle se consumera.