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— M. de Montsalvan, je vous en supplie, défendez-moi.

— Que diable ne songez-vous à vous défendre vous-même ? Et puis, quelqu’un ne peut-il courir… ?

— C’est que j’ai plus de confiance en vous qu’en moi-même, reprit-il en se faisant un rempart de mon corps.

— Comme je lui disais sèchement de me lâcher, le danger se montra sous la forme élégante d’une grande jeune femme aux vêtements sombres, c’était Édith. Un peu essoufflée, elle prit mon bras.

— Et, d’où venez-vous ainsi ? lui demandai-je.

— Du Malignon ; je me promène souvent le soir, j’aime cela ; sachant que vous étiez à la pêche, j’y suis allée ; mais vous veniez de partir, et j’ai couru pour vous rattraper.

— Comme cela, vous n’avez pas peur, vous ?

— Mademoiselle Édith n’est pas raisonnable à cet égard, s’écria Forgeot, et je ne trouve pas ces audaces belles, parce qu’elles sont imprudentes. La peur et la prudence au fond sont une même chose, et la prudence n’est autre que la sagesse appliquée à l’instinct de conservation, le plus légitime, le plus nécessaire de tous. Car enfin, il est incompréhensible que ce soient précisément les choses contre nature qui soient honorées parmi les hommes, et la témérité, l’intrépidité, ces vertus barbares…

Je le laissai discourir tout à son aise. Je sentais sur mon bras le contre-coup des battements précipités du cœur d’Édith ; j’entendais sa respiration pressée ; je songeais à toutes ces preuves qui me sont venues l’une après l’autre, de son jugement, de sa justice, de sa bonté,