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doucement le long couteau que je porte toujours sur moi et j’attendis.

Un peu plus loin je rentrais dans le bois quand un homme sauta sur moi en criant d’une voix sourde : La bourse ou la vie, s’il vous plaît, Monsieur. Mais il était tremblant comme un coupable, et je n’eus pas de peine à le terrasser. Il portait un fusil qui tomba en même temps que lui et dont il n’avait pas même cherché à se servir.

— Vous en êtes à votre premier mauvais coup, lui dis-je, et c’est la faim sans doute qui vous y a poussé. Mais, pourquoi, au lieu de m’attaquer, ne m’avez-vous pas demandé l’aumône ?

— Ce n’est pas deux sous qu’il me faut, grommela-t-il.

— J’ai dix francs à votre service, lui répondis-je, et, le lâchant aussitôt, je les cherchai dans ma poche. Il se releva lentement, et je vis, à sa voix, qu’il était saisi d’une grande émotion :

— Ah ! Monsieur, me dit-il, vous êtes un vrai homme, et je suis ben au repentir de vous avoir attaqué. Je ne suis pas un brigand, comme vous le devinez bien, mais la misère pousse à de vilaines choses. Voilà quatre jours que ma fille et moi n’avons pas de pain, et, pour aller aux portes, voyez-vous, c’est impossible.

Je lui remis les dix francs et l’engageai, en cas de nouvelle extrémité, à venir au logis et à demander M. de Montsalvan.

— Ah ! ce n’est donc pas vous, M. Forgeot, me dit-il.

— Non ; c’est à M. Forgeot que vous en vouliez ?

— Oui, Monsieur, parce que j’ai su par ma fille, qui