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sibilité. La dernière phrase de M. Forgeot était évidemment dirigée contre Édith, et je n’en ressentis pas d’humeur comme je l’aurais fait, à cause de l’insensibilité qui, à ce moment, me choquait en elle. Après le déjeuner, j’avais promis d’aller à Vivonne, à cheval, pour une emplette indispensable à la réception du surlendemain ; je partis ; cette course de six lieues, aller et retour, par de mauvais chemins, prit le reste de la journée, et je revenais le soir par un froid très-vif, presque glacé sur mon cheval, quand, à une demi-lieue du Fougeré, rencontrant le métayer de M. Plichon, je lui donnai la bête à ramener et mis pied à terre.

La soirée, quoique froide, était très-belle ; les étoiles brillaient du plus vif éclat ; la lande s’étendait sous mes pas comme une immense plate-forme couronnée par la voûte étincelante ; et l’on entendait les appels et les chants lointains des bergers ramenant leurs troupeaux. Je me plaisais dans ces harmonies ; maintenant, le sang affluait avec force dans mes veines, et j’aurais voulu marcher longtemps. Non loin de la vive lumière qui partait du salon du Fougeré, une autre lumière, petite et tremblante, marquant au coin des bois la place du hameau, fixa mon attention et me rappela la pauvre Chollette. Je voulus l’aller voir, et je pris, en traversant les bois, le plus court chemin.

Je passais dans une allée quand j’entendis marcher sous bois à côté de moi. J’écoutai, le bruit persista ; il me sembla reconnaître le pas d’un homme ; mais je ne pouvais rien voir dans l’obscurité du feuillage, tandis que dans l’allée il devait quelque peu me distinguer. J’ouvris