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dans cette vieille résignation, chère à tous les despotismes. Vous n’avez jamais songé, William, quand vous étiez riche, à faire quelque chose pour le peuple ?

Elle m’a fait cette question avec une telle simplicité, que je n’y ai pu voir aucun reproche, mais, en répondant : Non, j’ai rougi.

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Je viens d’avoir une longue conversation, mais bien inutile, avec Clotilde. Elle a voulu nier d’abord qu’elle songeât à se marier ; mais quand je lui eus dit tout ce que je sais sur Forgeot, sa vie licencieuse, ses tripotages, ses honteux marchés, elle s’est irritée, a jeté le masque et a proclamé — ô profanation de ces termes ! — son admiration et son amour pour le triste héros qu’elle s’est choisi. Elle se rattache à cette illusion avec l’ardeur d’un être dont la jeunesse se noie. Pauvre Clotilde ! c’est le funeste amour des phrases qui la perd. Forgeot lui en file tant qu’elle veut, des plus embrouillées, mais des plus précieuses, et elle est ravie, d’autant mieux que tout cela tourne en hymnes à sa louange, que le Forgeot rend dithyrambiques, j’imagine, quand ils sont seuls. Ce goût du faux sentiment, toutes ces folies, viennent assurément des rêves où se perd l’imagination des femmes, faute d’une nourriture plus substantielle. Plus instruites et plus sérieuses, elles distingueraient le faux du vrai et ne se laisseraient pas prendre si aisément à la glu des oiseleurs. — Serait-ce, pour cette raison, que les hommes tiennent tant à l’ignorance féminine ? Ha foi, je m’en lave les mains ; mais ça se peut.

Quand j’entends Clotilde et le Forgeot échanger près