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ques pas de la hutte, à laquelle nous arrivions du côté opposé à notre point de départ, grâce au détour que nous venions de faire pour éviter les bœufs. Il n’était plus temps d’insister pour une confidence. Je préfère d’ailleurs qu’elle vienne sans effort. Je laissai donc ce sujet, et, montrant à Édith la petite Madeluche, assise non loin de là, avec le marmot inséparable et ses autres frères :

— Voici la gardienne de ces animaux terribles, dis-je.

Elle sourit en me répondant :

— Mais elle est très-forte, puisqu’elle représente pour eux la prévoyance qui les nourrit et l’intelligence qui les guide. Moi, je ne suis qu’une représentation de la peur. Que voulez-vous ? c’est instinctif.

Le vieux était assis au soleil, sur un escabeau, souriant aux jeux de ses arrière-petits-enfants, qui se roulaient sur l’herbe autour de lui. À notre arrivée, il souleva son grand chapeau de feutre noir, dont il a pris le parti de relever, à la Henri IV, les bords en loques, et il offrit son siége à la demoiselle, Édith le remercia, le fit rasseoir et lui offrit le livre, dont la vue fit éclater une joie vive sur la figure du vieillard. Il mit aussitôt ses lunettes et commença de lire la cigale et la fourmi, dont la morale, trop conforme à l’esprit du paysan, le fit sourire ; mais pour celle-ci même et pour les suivantes, il fallut expliquer bien des mots, et nous eûmes la conviction que le bon la Fontaine lui-même n’était pas assez simple pour cette intelligence chercheuse, mais sans culture.

— C’est désespérant, me disait Édith en revenant ; il n’y a pas de livres pour le peuple, excepté ceux que le christianisme répand à profusion et qui tendent à l’endormir