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jusqu’au dernier de nos écrivains, la poésie du monde où se trouve-t-elle ? Et qui charme leurs heures, si ce n’est l’amour, illusion ou réalité ? La science seule a des joies aussi pures, mais non si complètes. Elle étudie l’univers tangible ; plus haute est l’étude de l’âme.

Eh bien, j’y croirai toujours. Ce n’est point l’amour qui nous trompe. C’est nous. Et puis, tout idéal a pour loi d’être poursuivi sans être jamais atteint.

Oui, mais les progrès accomplis demeurent ; tandis que lui c’est une flamme qui éclate, puis s’éteint. Et, comme la flamme, il a consumé ce qui l’alluma…

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Avouons-le franchement, je ne suis pas satisfait. Plus éclairé qu’autrefois, plus exigeant, c’est moi qui maintenant me refroidis et me détache. C’est une bonne enfant, mais… c’est une enfant. Ce n’est point l’être, à la fois semblable et différent, qui peut doubler ma vie, mon bonheur, ma force ; ni cet idéal supérieur à moi, que j’osai parfois évoquer pour exhaler un peu mon besoin d’adoration. C’est une enfant qu’il me faudrait instruire et développer.

Mais je ne suis pas de ces hommes qui se plaisent à effacer de la vie l’amour pour y substituer la paternité. Plus exigeant, et n’étant pas sûr de pouvoir créer ma Galathée, je l’aime mieux vivante. Enfin, on n’admire guère que ce qui est hors de soi, et je ne me sens pas la fatuité de m’adorer moi-même dans mes œuvres, éternellement.

Elle manque de bonne volonté, d’ailleurs, et préférerait le monde à moi. Ce que je chéris par-dessus tout, la hauteur d’âme, le dévouement, cela ne s’enseigne point.