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— Oh ! non, mais vous êtes si incrédule ! C’est très-mal cela.

— Je ne suis pas incrédule, Blanche.

— Mais si…

— Vous êtes une enfant. Et d’abord vous savez bien que je crois à l’amour, dis-je en lui donnant un baiser, car nous venions d’entrer dans le bois et je l’entraînais dans une allée latérale.

Elle rougit, me gronda, mais ne perdit pas de vue le sujet de l’entretien, puisqu’elle reprit bientôt :

— Il ne s’agit pas de cela. Monsieur, mais de vos idées sur la religion, et vous avez tort…

Je me reprochais déjà d’avoir failli manquer cette occasion de causer sérieusement avec ma fiancée ; et, la raillant doucement de partager ce travers qui consiste à accuser de n’avoir point de religion ceux qui ne partagent pas la vôtre, je m’efforçai de lui faire comprendre à quel triste usage servaient tous ces dieux créés à l’image de l’homme, et combien nous devons nous garder de chercher l’Être divin ailleurs que dans les lois de l’univers, et surtout dans celles de la justice, qui doivent nous rapprocher le plus du cœur de Dieu. Je tâchai de lui montrer quelles convulsions épouvantables, ou quelles putrides stagnations, causaient à l’humanité ces barrières, soi-disant immuables, appelées dogmes ; je lui prouvai que l’obstacle le plus funeste au progrès humain, ce sont nécessairement des doctrines dont le premier précepte est d’interdire à la pensée une libre recherche. Toutes ces choses si évidentes et si simples, je les lui dis avec le plus de clarté qu’il me fut possible, et avec un vif espoir