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revenu ? Mais c’est la religion bourgeoise, cela, et il est bien juste que toute religion ait ses sacrifices.

Ils ne veulent pas voir. Ils éloignent soigneusement de leur connaissance toute statistique, tout calcul qui les instruirait qu’à côté de leurs épargnes accumulées, là, près d’eux, la faim ronge et tue des femmes, des hommes, des enfants. Ils se plaisent à compter sur la Providence, dont les grâces éclatent dans leurs discours, et sur je ne sais quoi qu’ils supposent encore et qui serait les ressources particulières et secrètes du pauvre. Que de fois je leur ai entendu dire : « Certainement nous ne saurions comprendre cela ; mais ces gens s’arrangent bien différemment que nous. » Il y a cependant une mesure absolument nécessaire à l’entretien de la vie pour tout être humain, et il est facile de reconnaître, en comparant avec le taux du salaire le prix du pain, que cette mesure ne peut être atteinte par le travail le plus soutenu. Or, la saison des chômages a commencé plus tôt cette année, et elle durera plus longtemps et sera plus dure ; car la plupart des petits propriétaires, atteints dans leurs revenus par la rareté de la récolte, se restreignent et gardent pour des temps meilleurs les travaux qu’ils ont à faire.

Malgré tout, quelle que soit la force de l’habitude, des préjugés, de l’aveuglement où l’on s’enferme, l’importune et fatale question s’impose souvent à nos entretiens et y répand sa tristesse. M. Forgeot, qui ne met cependant la main à sa poche dans aucun cas, fait des phrases fort sentimentales sur ce sujet, et sa théorie pour l’extinction de la misère serait, si on l’en croit, aussi infaillible