ment la différence d’un homme à un autre qu’en voyant près de moi cette sorte de semblable.
Mais je suis forcé de reconnaître que la fortune l’a mal traité et qu’il mériterait, comme il l’assure, d’être un des coryphées du système actuel. À la place du gouvernement, j’en ferais mon publiciste, et il remplirait ce rôle admirablement, car sa faconde et ses détours ne sont jamais en défaut ; et il a, pour exploiter les vices ou les travers d’autrui, un talent capable d’en séduire bien d’autres que la naïve famille Plichon. C’est une des caractérisations les plus prononcées de l’époque actuelle.
Triste époque, odieux caractères ! Et voici la famine du peuple qui arrive à la suite de leurs accaparements et de leurs pillages. C’est ici qu’il faut la voir, où elle ne se cache point. Le pauvre n’a plus que faire dans sa demeure où la huche est vide et le foyer mort ; il va, poussé par la faim, à la porte de ces maisons dont les greniers renferment des tas de blé qui attendent — qui attendent une cherté plus grande encore, c’est-à-dire la sentence de mort de ces gens-là. Ce ne sont plus des travailleurs qu’on rencontre dans la campagne, car le travail le plus acharné ne leur procurerait plus cette vie misérable qu’ils en obtenaient autrefois, et l’on ne peut travailler l’estomac vide. Ce sont des affamés qui, un à un ou par petits groupes, suivent le même chemin. Ils sont tristes, décents, proprement vêtus, et vous saluent d’un ton simple et digne. Les femmes filent leur quenouille en marchant ; les enfants ne jouent ni ne sourient : ils vont silencieux. J’ai remarqué que, lorsqu’ils vous rencontrent sur le chemin, ils ne demandent pas l’aumône ; c’est à la