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Plichon seule est toujours la même pour moi. J’ai gagné la confiance d’Édith, mais Clotilde s’est beaucoup refroidie à mon égard, et M. Plichon est décidément désagréable. La grande déférence qu’il me témoignait autrefois a fait place à une sorte de ressentiment, que révèlent, malgré lui, son ton et son air, ou parfois de puériles taquineries. On dirait qu’il m’en veut de m’avoir accepté pour gendre. S’il ne s’agissait que de lui seul, je lui rendrais sa parole bien promptement ; mais, à mon sens, il n’est rien dans cette affaire, où Blanche et moi seuls avons le droit de décider.

Pour elle, c’est bien toujours la même enfant, tendre, douce, naïve jusque dans ses ruses ; mais ce culte fervent que nous vouons toujours à l’être aimé, il est altéré en elle, comme, à franchement parler, il l’est en moi. Elle me connaît maintenant des défauts, et elle a raison ; mais ces défauts sont malheureusement les parties les plus intimes de mon caractère, et je ne puis les changer. Elle me reproche mon insouciance des choses extérieures, mon esprit indépendant, ma franchise, et jusqu’à mes rêveries. À présent, elle me sermonne au lieu de m’adorer, et ce petit air de supériorité qu’elle prend parfois, ce ton de sage conseillère, s’ils lui siéent à ravir, — car tout ce qu’elle fait est rempli de grâce, — ne peuvent pourtant me convaincre que je doive mettre un autre à la place de moi.

Peut-être ne suis-je guère plus raisonnable à son égard qu’elle ne l’est au mien ; car je lui en veux de n’avoir donné à l’étude aucune des heures qu’elle a passées loin de moi. Notre Histoire naturelle serait restée ouverte