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QUARANTE-TROISIÈME LETTRE.

WILLIAM À GILBERT.

20 novembre.

J’ai retrouvé le Fougeré bien différent. Ce n’est plus cette vive lumière des jours d’été, si chaude et si pure, qui revêtait toutes choses d’un éclat magique. C’est une couleur plus pâle, un charme plus intime, et ce grand allanguissement, qu’on a justement comparé au soir ou à la vieillesse ; mais rempli d’une sérénité divine et d’une infinie douceur ; car cette mourante, la grande nature, sent très-bien qu’elle va renaître, et que la mort n’est qu’un sommeil.

Toutes les idéalités que l’homme élève à l’état conscient sont dans la nature. Les poëtes ont toujours senti cela sans le comprendre, et l’homme s’en nourrit sans le savoir, lui qui a créé cet antagonisme antivital de l’esprit et de la matière.

Je m’abandonne à ces grandes influences, qui secondent en moi la réflexion ; et quand je marche à pas lents dans le bois sur les feuilles tombées, tandis que les arbres frémissent et que leurs feuilles jaunies se détachent, et planent et s’abattent autour de moi comme des oiseaux, je contemple, calme et sérieux, les pensées qui m’arrivent en foule.

S’il s’est fait un changement dans la campagne, il y on a peut-être un plus profond chez ses habitants. Maman