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pas s’imposer la moindre peine ; mais je veux croire qu’ils ont tort, et que mon William, — tant pis, c’est écrit, papa ne le verra pas, — que mon William m’aime assez pour vouloir triompher des obstacles qui nous séparent.

Il faut, Monsieur, que vous reveniez ici. On a besoin de vous voir. Les gens du Fougeré ne peuvent plus se passer de vous. Toutefois, si quelque affaire vous retenait à Paris, ne venez pas tout de suite ; je vous écrirai le jour qu’il faudra partir, et dont la date n’est pas fixée encore. Ah ! il y a quelque chose là-dessous, mais je ne vous le dirai pas. C’est un mystère. Je vous dirai seulement que, puisque les ducs ne sont bons à rien, j’ai imaginé, moi, de faire quelque chose. Vous saurez ici de quoi il s’agit. Si vous n’avez pas peur de vous ennuyer en restant une quinzaine de plus, venez tout de suite ; mais pas avant de m’avoir choisi une robe de soie bleu Marie-Louise, à rayures ou à carreaux. Il ne faudra pas y mettre plus de soixante francs, et encore ai-je eu bien de la peine à faire comprendre à papa qu’on n’y pouvait mettre moins. Vous prendrez une soie légère. Je me fie à votre goût que je sais très-bon, et je me réjouis déjà de ma jolie robe. Après tout, s’il fallait absolument soixante-dix ou quatre-vingts francs, nous braverions la colère paternelle, et je me chargerais de l’adoucir. C’est que papa crie toujours qu’il est gêné, vous savez, et il parait qu’en effet cette année est bien mauvaise. On n’entend parler que de la misère des pauvres, et l’on dit même qu’il y a des gens qui meurent de faim, ce qui est affreux. Nous ne voyons que mendiants ; il en vient à la