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cette place des eaux et forêts. Madame d’Hellérin n’est occupée que d’une chose, me prouver par tous les moyens possibles combien j’ai eu tort de la dédaigner. Pendant mon séjour chez elle, je l’ai vue prodiguer en ma présence à d’autres adorateurs tout ce que la grâce, l’intelligence et la beauté peuvent gaspiller de trésors. Elle eût voulu me charmer, sans doute, et se venger ainsi, ou peut-être m’aime-t-elle encore ? Peu m’importe lequel des deux. Je n’ai pu te dire avec quelle adresse elle a toujours empêché le duc de songer même à s’occuper de moi, et quelle succession étourdissante de parties champêtres et de soirées mon séjour à Norvan a procurée aux hôtes de ce château. C’est elle, j’en suis sûr, qui a fait donner cette place avant que son mari ait eu le temps de la demander pour moi.

Je n’essayerai pas de lutter contre cette femme, surtout avec un auxiliaire aussi lent et si peu aimable que le duc. Je ne l’importunerai pas, quoi que Delage me conseille. Moi importuner ! pour qui me prend-il ? On ne sait guère combien me coûte une simple demande. Et véritablement, c’est chose honteuse que demander à quelqu’un pour qui l’on n’a ni estime ni affection ; car on ne peut lui rendre en aucune manière ce qu’il nous donne. En quoi cela diffère-t-il de mendier ?

Je comprends aussi qu’on demande ou qu’on exige de soi-disant faveurs dues à des services ; mais quant à moi, l’État ne me doit rien et je n’ai pas même à me croire plus utile qu’un autre ; n’ayant point de spécialité, ce que je peux faire, un autre le peut également. Si j’étais seul, je trouverais bien quelque part ma place ; mais il