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plus en plus drue ; mais l’ennui de rentrer me retenait dehors ; je m’enfonçai dans les bois pour me mouiller un peu moins. Là j’entendais au-dessus de ma tête l’eau tomber sur les feuilles comme sur un parapluie, et elle n’arrivait jusqu’à moi qu’en fine rosée, que buvaient avec délices les grandes fougères et les petites herbes. Il a fait chaud depuis longtemps ; cette pluie rafraîchit la terre. C’était un rajeunissement de tout ; un long bruissement sourd, comme si toutes ces fines créatures détendaient leurs fibres. Les petits pois roses, éplorés, souriaient ; les oiseaux voletaient pour mouiller leurs ailes, un merle sifflait à cœur joie et les geais criaient au sommet des arbres. Tout à coup un bruit de branches froissées me fit retourner, et je me trouvai en face de mademoiselle Édith. Elle n’avait point non plus de parapluie et trottait ainsi à travers le bois, en relevant sa robe jusqu’aux genoux. Sa tête n’était couverte que d’une voilette noire, attachée sous le menton et dont un lambeau, agacerie de quelque ronce, flottait par derrière. Ni châle ni pèlerine sur les épaules ; ses pieds disparaissaient dans la bruyère mouillée protégés seulement par des guêtres de drap gris, sur le haut desquelles retombait le bas de son pantalon trempé. Elle s’arrêta en me voyant ; j’étais rempli de surprise.

— Quoi, Mademoiselle, lui dis-je, vous ici, par un pareil temps !

Elle éclata d’un rire dont les notes harmonieuses s’envolèrent à travers le bois. C’est la première fois que j’entendais rire Édith.

— Et vous, Monsieur ? me dit-elle.