Page:Leo - Les Deux Filles de monsieur Plichon.djvu/151

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ment cette confidence qu’elle brûle de me faire depuis si longtemps. Elle se fit alors prier un peu, tout en me conduisant vers l’entrée des bois, où nous nous assîmes dans un bosquet de charmilles.

Là, elle me fit un long récit, entrecoupé de développements psychologiques et d’incessants retours sur ses jeunes illusions. En deux mots : trahison d’amour par ambition. Un homme beau, jeune et riche, dont elle se croyait aimée, l’abandonna pour une dot plus considérable qui s’offrait à lui. Une aussi rude leçon produisit sur cette âme impressionnable des effets terribles.

— Je croyais mourir et fus toute étonnée, me dit-elle naïvement, quand, au bout d’une année, la santé me revint.

Elle avait voulu se faire religieuse alors ; mais ses parents l’en ayant empêchée, elle avait juré du moins de ne pas se marier.

— Et pourquoi ? lui dis-je ; tous les hommes sont-ils semblables à celui-là ?

— Ah ! j’aurais toujours craint d’être trompée. La confiance, William, cette sainte confiance qui est la fleur de l’âme, qui existe sans savoir pourquoi, sans savoir même qu’elle pourrait ne pas exister, une fois qu’elle est troublée, c’est pour toujours.

— Assurément, repris-je, vous ne pouvez plus aimer en jeune fille ; mais vous aimeriez en femme, avec moins d’abandon, mais plus de discernement. Permettez-moi de vous représenter qu’il n’est pas raisonnable de rejeter l’humanité pour le crime d’un seul, ni la vie tout entière pour une seule épreuve.