Page:Leo - Les Deux Filles de monsieur Plichon.djvu/148

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

montre avançait beaucoup, que ces dames n’étaient pas encore levées et que M. Plichon, posté dans le jardin à l’affût des poules, ne rentrerait pas d’une demi-heure, je lui proposai une promenade.

Il accepta. Je l’emmenai assez loin du côté des champs, après quoi je l’égarai pendant une demi-lieue, à la recherche du plus court chemin pour rentrer à la maison. Mon dévouement fut récompensé par le plaisir que je prenais à observer la satisfaction secrète de M. Forgeot, lequel, croyant m’entraîner à sa suite comme objet d’étude, jouissait de sa puissance de fascination. Clotilde avait deviné juste : je l’inquiétais à cause d’elle ; il battit Paris et la campagne pour arriver d’une manière habile et détournée à me faire dire les vrais motifs de mon séjour au Fougeré. Je fis l’homme préoccupé d’une pensée secrète et encore incertain sur sa destinée. Nous passâmes en revue successivement les personnes de la maison et il me dit de chacune un bien emphatique. M. Plichon, l’homme de bien type, le père de famille rangé, le vieux Gaulois plein d’entrain, de mordante humeur. Sa femme, un modèle de grâce, de bonté, de distinction. Blanche, un trésor de grâces, qu’il osa me détailler avec une hardiesse grossière telle, que la crainte seule de me trahir me retint de lui imposer silence.

— Blanche, me dit-il, c’est la jeune fille française dans sa perfection ; douce, gracieuse, d’esprit souple et fin, pétrie de cœur et remplie de charmes, véritable idéal de tout jeune homme sensé qui songe à se marier. Elle n’est peut-être pas aussi riche que sa tante ; ou du moins sa fortune n’est pas indépendante comme celle de mademoi-