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J’ai rencontré aujourd’hui un homme de quatre-vingt-neuf ans. Dire qu’on pourrait atteindre à une pareille vieillesse ! à coup sûr, la patience m’échapperait. Et de quoi peut-il vivre si longtemps ? Il est plein de sérénité pourtant ce vieillard, souriant, curieux encore, curieux et naïf comme un enfant.

Je m’étais échappé de la maison, agité, mécontent, et marchant tête nue, dans les champs, malgré la pluie. Elle devint tout à coup si forte, que je cherchai des yeux un abri et me dirigeai vers un châtaignier, qui s’élevait majestueux au milieu de la plaine. Deux juments, avec des entraves aux pieds, paissaient sous les branches. Arrivé près du tronc, qui de loin me semblait énorme, je vis qu’il était entouré par une sorte de cabane circulaire, en branches de genet, où de distance en distance étaient pratiquées de petites fenêtres.

— Voulez-vous entrer chez moi ? Monsieur, me dit une voix, et je vis paraître à une des ouvertures une figure ridée. En même temps un fagot se dérangea ; c’était la porte, et l’homme se montra disant :

— Vous serez mieux à couvert.

J’entrai pour ne pas le refuser, il m’offrit une place sur un siége circulaire bâti de pierres et de mousse autour de l’arbre, et nous causâmes un peu. Comme je le félicitais de son industrie :

— C’est que j’ai l’hiver dans le dos, voyez-vous. Monsieur… et depuis que je suis au monde, il a tombé tant de pluie sur ma pauvre échine qu’elle n’en veut plus.

Il me dit alors son âge et qu’il était le grand-père du métayer de M. Plichon, bisaïeul par conséquent de