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conduisant Anténor, ma peu logique raison d’être ici. Je ne crois pas que le cousin s’y trompe, quelque ventru qu’il puisse être, et cependant il est convenu qu’on lui taira mon titre de fiancé, et que je serai pour lui comme pour les autres l’ami d’Anténor. C’est par trop naïf ; mais ça m’est égal.

Un autre phénomène a eu lieu ce soir : Édith m’a adressé la parole. Comme nous sortions de table, elle est venue à moi : — J’ai appris, Monsieur, que vous avez l’Histoire naturelle de Milne Edwards. Auriez-vous la bonté de me la prêter, dans l’intervalle de vos leçons ?

— Avec plaisir, lui ai-je répondu, mais avez-vous déjà étudié cette science ?

— Non, Monsieur.

— Les commencements sont toujours difficiles sans maître. Vous feriez bien de vous joindre à nous.

— Je vous dérangerais, a-t-elle dit.

Mais Clotilde et Blanche, un peu ironiquement, l’y ont engagée, et de son air froid et hautain elle a accepté. Me voilà trois écolières, et je me demande maintenant comment j’ai pu faire, moi qui ne rêve que le tête-à-tête, pour amener entre nous ce nouveau témoin, mille fois plus gênant que Clotilde. La curiosité que m’inspire cette étrange Édith m’a poussé à cela sans réflexion. Maintenant, elle va tout glacer, tandis que nos premières leçons ont été charmantes. Animé par la présence de Blanche, et le bonheur de cultiver ce doux esprit, jamais je n’avais senti le charme et la grandeur de la nature avec tant de force, jamais des aperçus aussi vrais ne m’avaient frappé. Je sentais l’âme de mon naïf auditoire attachée à la