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ressemblances une apparence de vérité, et c’est ainsi que vous opérez cette œuvre triste, mauvaise, impie, du désenchantement et du doute. Mais ce qui est au-dessus de la mesure vulgaire vous échappe et domine vos dénigrements. Je me rappelle avoir lu dans mon enfance une critique en ce genre d’un poëte qui m’enthousiasmait ; j’en eus l’âme morfondue et malade pendant bien des jours ; heureusement le poëte lui-même me consola, et je perdis, en le relisant, tout souvenir de son critique. Blanche se chargera de me faire oublier ta lettre. Ne m’en écris plus ainsi cependant, et, quel que soit ton désir de m’éclairer, ne cherche pas à éteindre mon soleil.

Oui, assurément, je continuerai d’être franc, ne le suis-je pas toujours ? Et dussé-je en être réduit à avouer que tu as raison, tu sais combien l’amour-propre me paraît peu digne d’entrer en lutte avec la conscience.

Pour aujourd’hui, je n’ai rien à confesser, sinon que notre leçon a été charmante. Ma chère élève était attentive, au point de me faire regretter qu’elle n’eût pas plus de distractions. Clotilde nous dérange ; elle cause un peu trop. Elle m’a fait supprimer l’anatomie ; c’est puéril.

Il paraît que c’est la saison des confitures. Maman Plichon et Clotilde en sont si fort occupées, qu’on nous laisse, Blanche et moi, plus souvent seuls. Dans ces tête-à-tête, maintenant, je songe bien plus à établir entre nous des intimités sérieuses qu’à dérober quelques baisers. Blanche acquiesce facilement à mes idées. Elle n’est même que trop docile ; je préférerais quelques objections.

Quand, au bout d’une heure, maman revient s’asseoir près de nous, elle demande avec un sourire : De quoi