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clairvoyant et moins emporté que tu ne l’étais vis-à-vis d’Hermance. Tu arriveras forcément à te contenter de la vie telle qu’elle peut être ; mais ce jour-là, j’en ai peur, ta jeunesse ne sera plus et ton avenir peut-être sera manqué sans retour. En définitive, Blanche n’est pas un beau parti ; mais c’est un parti, et si tu voulais être quelque peu autre, le premier pas fait, tu marcherais dans la voie des honneurs administratifs, avec une jolie femme assez bien pourvue, et de beaux enfants appelés par leur position et leur naissance à obtenir les faveurs de l’État, ce qui est l’ambition de tout honnête homme.

Crois-tu donc que je sois parfaitement satisfait d’Olga ? Non, elle a quelquefois un caractère diabolique ; elle est coquette, hautaine, fantasque, despote ; mais ça ne m’empêche pas de l’adorer pour ses autres qualités : sa beauté merveilleuse d’abord, sa voix admirable, son esprit, sa fierté, sa distinction. Croirais-tu qu’elle est alliée, par une branche collatérale, aux Romanoff même ? Tu vas m’accuser de l’aimer pour son arbre généalogique et sa richesse ? Mais cela vaut beaucoup et j’en tiens compte très-assurément. Enfin, à quoi bon ces analyses ? Je l’aime telle qu’elle est ; cela suffit. Elle est ma préoccupation constante, n’est-ce pas assez ? Aimer avec désintéressement, ce grand dada des gens romanesques, au fond qu’est-ce que cela veut dire ? On aime toujours avec un intérêt, qui, en définitive, est celui d’être heureux. Je ne puis pas aimer Olga avec ce que tu appelles désintéressement, je n’en ai pas. Je l’aime avec mon ambition, avec mon goût pour la beauté et pour le luxe, avec mon cœur et ma tête, avec ce que j’ai enfin et comme je suis.