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mais ne pas être exigeant. Et tu l’es, tu l’es à un point, que j’oserai dire maladif, si tu le veux bien. Car c’est une vérité banale, et que personne ne contredit, que la perfection n’est pas de ce monde. À quoi bon la chercher, par conséquent ? Chercher le mieux, c’est assez ; et, quand on l’a trouvé, se tenir tranquille. Car, d’aller considérer à la loupe les défauts de ce qu’on possède, je n’y vois pas d’avantage. Les choses sont ce qu’elles sont, et nous ne les ferons pas plus belles à les retourner de cent côtés. Mais cela a toujours été ton souci, pénétrer le fond des choses. Es-tu sûr d’abord qu’elles aient un fond ? Et s’il est laid, qu’en veux-tu faire ?

Je t’ai suivi près d’une année dans ces sortes d’investigations, et je me rappelle, mon cher, que tu m’avais rendu fort triste. C’était, il est vrai, après ton chagrin. Mais ce chagrin même tu l’as poussé à un point excessif, injuste. Jamais tu n’avais dit à Hermance que tu voulais l’épouser ; il n’était donc pas bien étonnant qu’elle cherchât à se faire un sort en dehors de toi. Tu supprimes l’égoïsme et l’intérêt ; dès lors, il n’y a plus moyen de s’entendre, et par là tu te composes des malentendus énormes, aboutissant à d’effroyables déceptions. Je ne trouve pas mauvais, moi, que cette jolie Blanche mène son père ; c’est son intérêt ; ne souffre pas qu’elle te mène, c’est le tien. Si tu veux que je te dise toute ma pensée, tu vas l’ennuyer énormément avec tes leçons. Je la vois d’ici ; car je connais les femmes mieux que toi : c’est une vraie jeune fille, un peu plus naïve que les autres, à cause de son éducation à la campagne, une vraie fleur du printemps, ne voulant voir dans la vie