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tablier tendu, la petite Madeluche avait l’air plus craintive que reconnaissante.

Je restai quelque temps près de la brèche à regarder les enfants, tandis que la sœur aînée distribuait les abricots. Elle donna les plus gros aux plus petits, et, s’étant réservé le moins beau de tous, le mit dans sa poche, où le marmot préféré le suivit des yeux.

— Eh ! gros vilain, tu sais bien qu’il est pour toi, dit la fillette en l’embrassant. Cette petite mère de dix ans est adorable, malgré son visage brun comme celui dune Égyptienne et ses haillons.

Il était plus de trois heures quand la famille revint de Sanxenay. J’appris aussitôt une grande nouvelle, c’est que les Martin étaient arrivés. Les Martin ! tu ne te douterais jamais du prestige de ce nom-là. On le prononce ici avec un respect et une emphase qui l’ennoblissent j extrêmement : M. Martin, Mme Martin, Mlles Martin. Moi-même, à force d’avoir entendu prononcer de telle manière ce nom roturier, j’y attache inévitablement dans ma pensée le cortége d’un château, d’une voiture, de beaux chevaux, d’une grande fortune et d’habitudes distinguées ; car l’effet que produit ce nom magique démontre que la fortune et l’influence de cette famille sont supérieures à celles des Plichon. Ils habitent Paris, et viennent passer quelques mois d’été dans une résidence voisine. On avait donc rencontré à Sanxenay la famille Martin, et tout le temps du dîner on parla d’elle. J’appris qu’il y avait un fils et deux filles, l’une mariée, l’autre amie de Blanche et de son âge. On va se voir de part et d’autre. J’aimais bien mieux notre solitude.