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genoux de son père, et le combla de caresses et de gentilles paroles, sous l’influence desquelles il se calma.

Après leur départ, je me promenai dans le jardin. Je rentrais en longeant l’enclôture du côté des champs, quand je vis Édith qui jetait par une brèche du mur des abricots magnifiques aux enfants du métayer, la petite Madeluche en tête. Il y avait cinq enfants ; chacun eut son abricot. Je m’approchai d’Édith et lui exprimai tous mes regrets de la maladresse que j’avais commise à table en provoquant une discussion, si fâcheuse entre elle et son père. En raison de la conformité de nos idées, je m’attendais, je l’avoue, à quelques paroles un peu plus intimes ; mais je n’eus qu’un regard froid et ces mots superbes :

— Vous n’avez point, Monsieur, d’excuses à me faire. Je ne réclame que le respect de mon droit et non pas des ménagements.

Elle me fit, en même temps, un court salut et s’engagea dans une autre allée.

Quelle singulière créature ! et comment se fait-il qu’avec cette parole vibrante, ce noble orgueil, ce magnifique regard, ce soit une âme sèche et dure. Cette vie qu’elle mène, toujours seule avec elle-même, ou, ce qui est pis, seule avec les autres, ce silence obstiné, cette lutte constante contre tout ce qui l’entoure, un être bon et sensible en mourrait. Le regard qu’en sortant elle a jeté sur son père, venant d’une fille, était affreux ; elle ne l’aime pas et le méprise. Ces fruits qu’elle jetait aux enfants, est-ce caprice ou bonté ? Pas une seule douce parole ne les accompagnait, et, en les recevant dans son