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rougit, et sa mauvaise humeur n’avait guère besoin d’être augmentée par l’observation de Clotilde :

— Vous voyez, mon cher frère, voilà le fruit de vos déclamations.

— Le fruit ! le fruit ! répéta-t-il en colère ; après tout, j’ai le droit peut-être de dire dans ma famille ce qui me plaît, et il me semble que ce n’est pas ma faute s’il y a ici des caractères extravagants et des cerveaux détraqués.

Je regardai Édith ; elle était plus pâle qu’à l’ordinaire, et se leva pour sortir de table.

— Où allez-vous ? s’écria M. Plichon d’une voix terrible, les traits enflammés.

— Eh mon Dieu ! laisse-la, dit la mère.

— Vous le voyez, je m’en vais, répondit Édith, avec un calme écrasant.

— Restez, je le veux.

— Je ne puis pas, répliqua-t-elle d’un ton qui avait tout à la fois de la fermeté et de la douceur.

— Je vous répète que je le veux ! s’écria le père en fureur.

— Je m’en vais pour ne pas vous manquer de respect, dit Édith, et elle disparut.

M. Plichon furieux, oublieux de toute dignité, courait après elle ; sa femme vint à bout de le retenir. La conversation qui suivit fut pleine de trouble. M. et Mme Plichon se reprochaient l’un à l’autre le caractère de leur fille ; Clotilde le déplorait ; Anténor déclarait qu’il n’épouserait pas pour tout au monde une semblable femme ; Blanche elle-même (je le regrettai) joignit sa voix à ce concert de malédictions. Puis, elle alla s’asseoir sur les