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24 août.

Nous nous sommes expliqués : je lui ai reproché son manque de confiance. Que peut-elle craindre de moi, grand Dieu, de moi qui l’aime ? Et quelle satisfaction pourrais-je trouver en la contrariant ? Nous avons longtemps causé. Elle m’a demandé avec un étonnement naïf comment je pouvais préférer la campagne à la ville ?

— Parce qu’on y vit davantage, lui ai-je répondu, ce qui l’étonna plus encore. C’est que vous prenez, chère enfant, l’agitation pour la vie, le tumulte pour l’action. Là bas, à force de se heurter, les efforts se neutralisent ; les émotions y sont vives, mais successivement emportées par d’autres courants ! Trop de mouvement étourdit, trop de stimulants énervent. Nous retournerons ensemble à la ville, puisque vous le voulez ; mais c’est ici, ma Blanche, qu’on se sent vivre, qu’on aime à l’aise, qu’on se sent aimer.

À ce dernier argument, qui la toucha plus que le reste, elle plongea dans mon regard ses beaux yeux bleus et me dit avec un soupir :

— Eh bien, si vous ne pouvez être heureux qu’ici…

— Heureux seulement ici ! m’écriai-je ; est-ce tel ou tel lieu que j’aime ? N’est-ce pas toi ?

— William ! balbutia-t-elle en rougissant.

— Blanche, soyez à moi, mais tout entière, en quelque lieu qu’il vous plaira, je serai heureux. Et comme, de plus en plus troublée, elle se levait, je vis qu’elle ne me comprenait pas.