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pos. C’est notre bonheur, et maintenant ce doit être notre orgueil.

Cette promenade m’avait enivré, je lui dis les pensées qui m’étaient venues là-bas, à l’ombre de cette haie : S’il y a quelque chose de bon et d’utile à faire au monde, c’est ici, dans ces campagnes, où la terre et l’intelligence humaine sont également stériles. Il y aura toujours à Paris des bibliothécaires plus savants que moi ; mais ici ce pauvre peuple n’a d’autre livre que l’almanach. Augmenter leur bien-être, c’est impérieux, urgent ; mais rendre à ces fronts bas, à ces visages grossiers la flamme de Prométhée, les mettre en harmonie avec leur milieu, en faire des hommes, des citoyens, des poëtes, c’est-à-dire des êtres compréhensifs et heureux de la poésie qui les entoure, ce serait créer un monde, ou du moins rétablir l’équilibre de celui-ci, en portant la vie intellectuelle au milieu des champs. L’homme, pour être fort et sain, a besoin de la nature en même temps que de l’idée, et…

Je m’arrêtai en voyant Blanche m’écouter avec un étonnement presque pénible.

— Et comment voulez-vous faire tout cela ? me dit-elle en souriant avec ironie.

Ces mots soufflèrent sur mon enthousiasme.

— Il est certain, lui dis-je un peu confus, que mes moyens d’agir ne sont pas en rapport avec ce rêve. Je vous exposais l’idée telle qu’elle m’est venue ; ce n’est pas un projet ; mais elle en contient les éléments. Si, par exemple, je consacrais à étudier l’agriculture le temps qu’il me faudra dépenser à poursuivre une place, et peut-être aux études nécessaires pour la remplir, ne