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Je rentrai par les bois et je marchais dans le fourré en cueillant un bouquet de pois à fleurs roses pour Blanche, quand je l’aperçus elle-même dans l’allée. Elle s’avançait en jetant ses regards autour d’elle, comme si elle cherchait quelqu’un. Je me montrai tout à coup. Elle fît un cri et se réfugia presque dans mes bras, où je l’attirai avec transport.

— Oh ! Monsieur, c’est bien mal ! vous m’avez fait peur.

Son visage était enflammé d’émotion, ses yeux humides de tendresse, et elle me prenait à témoin de son trouble avec les plus doux regards.

Je la conduisis sur un fauteuil de mousse, et me laissai glisser à ses pieds.

— Oh ! si l’on nous voyait, balbutiait-elle, rouge et confuse.

Les femmes n’oublient jamais cela. Jamais l’amour n’efface à leurs yeux le monde, même quand elles le bravent, et toujours ce fantôme vient se placer entre elles et leur amant. Se donnent-elles jamais complètement ? Je fus presque blessé de cette parole de Blanche, et j’eus tort ; ce n’est pas sa faute ; on l’a élevée ainsi ; depuis qu’elle existe, chacun de ses gestes et de ses pas a été placé non sous l’œil de Dieu, mais sous les regards du monde.

— Ne suis-je pas votre fiancé, lui dis-je.

— Pas encore.

— Pas encore ! m’écriai-je et que sommes-nous donc ? des étrangers ?

— Mais,… je veux dire que tout le monde ignore…

— Eh ! laissons tout le monde, dis-je presque en colère ;