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lorsqu’on a élevé de son sang, de son cœur et de ses veilles, si malaisément, avec tant d’amour et de souci, un enfant jusqu à ses vingt ans, ce n’était pas, non ! pour jeter cette fleur de vie, ce cher fruit de tant de peines, sous les pieds des chevaux et dans la gueule des canons !

Il m’a toujours semblé, les jours de tirage, en voyant les pauvres conscrits transis et tout blêmes, et les parents crier autour d’eux, que nous sommes comme ces troupeaux qu’on mène à la boucherie et qui, inquiets et bêlants, s’y rendent tout de même, avec leur moutonnerie, sans chercher à s’échapper. Nous obéissons à cette habitude-là sans savoir pourquoi, sans le demander même, avec ce respect bête qu’on a pour les choses mystérieuses et qui viennent de loin. Ce que nous donnons ainsi, cependant, est le plus pur de notre sang et Le plus cher de notre âme ; mais les gens ne laissent point d’y consentir, et bien qu’ils aient à présent, à ce qu’on prétend, le gouvernement d’eux-