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Comme elle menait son moulin en maîtresse, haut la main, assez durement, et sans plus souffrir aucune privauté, plus d’une fois elle changea de serviteurs, jusqu’à ce qu’elle louât enfin, à la ballade de Chambray, un beau jeune gars, qui venait d’à plus de six lieues, vers Limoges, et ne connaissait point les commérages du pays. Il se nommait Pierrille, était grand, bien fait, robuste, avenant, et plus doux et meilleur sujet que ne sont la plupart de ses confrères, lesquels tombent volontiers en deux péchés : l’amour du vin et des jolies filles. Mais celui-là faisait son ouvrage tranquillement. Quand il passait dans les villages, monté sur sa mule, avec son bonnet de coton blanc sur l’oreille, et portant en écharpe son fouet aux houppes de couleur, il ne prenait point cet air malin et hardi qui fait rougir les filles et sourire les hommes ; et même sur son chemin les cornettes avaient beau se pencher aux fenêtres, il regardait plus souvent en dedans, comme on dit, qu’autour de lui, — c’est-à-dire qu’il était songeur.