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qu’il avait mise dans la charrette d’un de nos marchands.

La nuit tombait ; ils avaient deux bonnes lieues à faire, par des chemins de montagne taillés en casse-cou. Ils partirent donc ainsi, tous les trois ensemble, devisant gaiement. Ce n’est pas que le tailleur n’eût au fond bien souci du grand mépris que lui marquait sa femme ; mais il n’en voulait rien laisser paraître, et le vin, dit-on, chasse l’ennui. Pour Bénot, son fils n’était parti que depuis trois jours ; mais la tendresse, comme on sait, n’étouffe point les hommes ; il chantait donc à tue-tête, tout en zigzaguant un peu.

Cependant, quand ils furent à moitié chemin, la nuit s’était faite si noire, qu’ils commencèrent à ne plus se sentir de si bonne humeur. Ils ne rencontraient plus personne ; le temps était à l’orage, et de temps en temps brillait un éclair, après lequel on n’y voyait goutte ; ils marchaient comme à tâtons. L’ennui commença de s’emparer d’eux ; leur caquet tomba, et bientôt ils n’ouvrirent la