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jugés du vieux monde ? et surtout les intérêts qui unissent votre cause à la sienne ? et encore les concessions que bon gré mal gré, au conseil de votre ambition, au mal gré de votre conscience, vous lui avez déjà faites ? tous ces liens qui sont des chaines, et pour le caractère et pour la pensée ? C’est en de telles dispositions qu’il faut être pour s’entendre avec les déshérités.

Oui, tous les fils de la révolution, tous ceux qui acceptent ses principes dans leur sublime intégralité, peuvent marcher ensemble sur ce grand chemin, tout bordé de conquêtes perdues, que l’on peut suivre longtemps, longtemps, en bon ordre de bataille, avant d’arriver aux divers sentiers qui mènent aux terres inconnues.

Mais il faut le vouloir. Il faut de part et d’autre adjurer ses préventions, ses rancunes, et certains dédains qui tiennent encore à l’esprit aristocratique. Une doctrine qui proclame le droit des déshérités, qui rend la société responsable des vices du pauvre, qui flétrit toutes les injustices et déclare le bonheur possible pour tous, doit nécessairement attirer à elle, non pas seulement, — et malheureusement pas assez, — le peuple misérable, mais aussi tous les mécontents de l’ordre actuel, tous les égoïsmes froissés, toutes les ambitions trompées, légitimes où non, saines ou malsaines. Ainsi, Madeleine, Simon, les Samaritains, compromettaient Jésus. On admire cela… dans l’Évangile. Au club, on s’indigne et on se retire, en secouant ses souliers. De fait, les pécheurs de Jésus étaient repentants ; les nouveaux ne le sont guère. Mais que fait cela ? La démocratie est une guérisseuse ; elle traine à sa suite un hôpital. C’est son malheur, et sa gloire. Heureuse, si elle n’avait que ses clients populaires