Page:Leo - La guerre sociale, 1871.djvu/30

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
– 30 –

s’en est fallu de bien peu qu’il ne périt, arrive enfin au triomphe. Rien assurément de plus émouvant et de plus beau. Mais on se laisse aller à croire faussement, sur ce beau conte de fées de la réalité, qu’il en advient toujours de même, et que, tôt ou tard, l’homme de talent trouve toujours sur sa route ce hasard heureux, qui le sauve et le couronne. On oublie que le hasard n’est pas la justice, et que fatalement, pour ce sauvé, il en périt mille, faute du secours, des facilités, que tout humain devrait trouver dans le milieu social, si la société était un ordre au lieu d’un chaos, une science au lieu d’un empirisme.

Puis, il ne s’agit pas seulement de l’homme de génie. Relativement, au point de vue social, mais absolument, quant à l’être que cela concerne, une aptitude inemployée est toujours une souffrance et un malheur.

Cette loi du capital est donc de nature aristocratique ; elle tend de plus en plus à concentrer le pouvoir en un petit nombre de mains ; elle crée fatalement une oligarchie, maitresse des forces nationales ; elle est donc non seulement anti-égalitaire, mais anti-démocratique ; elle sert l’intérêt de quelques-uns contre l’intérêt de tous. Elle est une des expressions, non de la vérité nouvelle, mais de cette conception du passé qui, sur terre comme au ciel, en religion comme en politique, n’admet toujours qu’un petit nombre d’élus. Elle est donc en opposition avec la conception nouvelle de la Justice ; avec la tendance irrésistible qui fait tout pencher en ce temps-ci du côté du nombre ; avec cet instinct qui de plus en plus pénètre les masses — instinct dont il faudrait se hâter de faire une morale et une science, avant que, croissant